Rabah Boudjaoud l'unique / Ellah Yerhmou / les années d'or

Boudjaoud habite une petite maison toute simple et est aimé de tous les habitants de sa région. Il aime les gens mais il est très discret. Le sourire ne quitte jamais son visage. Lui, c’est Rabah Boudjaoud.
Les gens à Attouche, grand village de la commune de Makouda, guettent la moindre de ses sorties, devenues, hélas, très rares. Rabah Boudjaoud est incontestablement l’un des pères du One-man-show (seul-en-scène) en Algérie. Depuis la dernière moitié des années 80 et jusqu’à la fin des années 90, il s’était imposé comme l’humoriste le plus drôle. Les gens venaient de loin assister à ses spectacles. L’artiste s’était inventé une voix de vieux et excellait dans l’autodérision. Mais ce que beaucoup de gens ne savent pas, c’est que Rabah Boudjaoud est aussi un poète et un musicien. Certaines de ses compositions, très mélancoliques, feraient pleurer les arbres et les rochers des hauteurs d’Azrou Oughedou, dit-on. Néanmoins, il a toujours préféré le rire. Dans les fêtes, on lui demandait rarement de chanter. Les gens adoraient rire des aventures du voyageur vers la capitale, de l’ivrogne et de bien d’autres personnages désopilants. Devant la menace qui pesait sur la vie de tous les artistes durant la décennie noire, lui, il a refusé de se taire. Rabah a aussi refusé de partir et quitter les siens. L’artiste a bravé le danger et continué à faire éclater les rires face aux tueurs. Durant les années de plomb, Rabah Boudjaoud a persisté à amener le rire là où la terreur faisait sa loi. Aujourd’hui, l’artiste ne se produit que très rarement, mais ses œuvres sont dans les mémoires. Les gens se les racontent encore. Certaines de ses chansons satiriques, comme «Ech izlafen», sont toujours fredonnées par les mélomanes. Rabah Boudjaoud n’est pas très visible, il n’est plus au-devant de la scène, mais tous les artistes, de toutes générations, lui vouent un grand respect. Le public, quant à lui, réclame son retour. Un hommage à l’artiste serait en préparation, apprend-on.

Akli N.