Précisions sur la fin du monde - 106ème séminaire de l'Institut Momentum par Yves Cochet

Depuis soixante-quinze ans l’exubérance énergétique et la profusion matérielle offertes aux 20% les plus riches de la population mondiale (ceux qui comptent) ont profondément modifié les croyances et les comportements de ceux-ci. Autrefois – pendant des millénaires – l’ontologie spontanée de tout individu était la quête de la survie alimentaire, énergétique, sécuritaire. Aujourd’hui les 20% estiment que cette quête est achevée par la grâce d’une croissance sans précédent, d’une confiance dans l’État-providence et par l’absence de guerre les affectant directement. En conséquence, la survie étant garantie, les convictions premières et les comportements de chacun ont basculé vers la reconnaissance et l’expression de soi, tout empreintes de tolérance, de liberté, de participation, avec les thèmes émergents du féminisme, de l’écologie, de l’égalité.

Selon cette croyance libérale post-matérialiste, ce que les médias appellent encore la « crise écologique » serait susceptible d’être surmontée par la « transition écologique », certes difficultueuse mais parvenant, vers 2050, à une société plus juste et plus verte, par la magie du trio productiviste : croissance, technologie, marché. Même les plus habités des écologistes refusent l’hypothèse de l’effondrement systémique mondial et débattent encore des meilleurs remèdes à la « crise », munis d’une dizaine de lieux communs que je propose de renverser les uns après les autres : on peut éviter l’effondrement ; s’il en est un, il est encore lointain (au-delà de 2050) ; il est essentiellement dû au capitalisme ; la perspective de l’effondrement (la collapsologie) est dépolitisante ; l’humanité s’en est toujours tirée face à des effondrements… et autres égarements.