Szymanowski, sonate op 9. Annick ROUSSIN, violon Pascal LE CORRE, piano

Karol SZYMANOWSKI
L'œuvre pour piano et violon
ANNICK ROUSSIN, violon PASCAL LE CORRE, piano
Disque ACCORD
enregistré le 28-30 Mai 1990 Salle Colonne, Paris
Piano Steinway
Prise de son et montage : Georges Kisselhoff
Direction artistique : Gérard Pesson
Sonate op. 9 pour violon et piano
Allegro molto 0' à 8'09''
Andantino tranquilo de 8'10 à 14'10''
Finale de 14'10 à 19'9''

L'œuvre de Karol Szymanowski (1887-1937) a souffert d'un oubli assez prolongé pourque sa richesse ne se laisse deviner qu'aujourd'hui: l'écoute des pièces pour violon et piano présentées ici convaincra que sa pensée musicale, au fil du temps, s'est épanouie comme à rebours des préjugés de notre époque sur l'évolution historique du langage musical entre la fin du XIX* et le début du XXe siècle. Des harmonies complexes de la Sonate op.9 de 1904 à la clarté sereine de la Berceuse op. 52 écrite en 1925, Szymanowski tend vers un dépouillement stylistique contenu dans des formes de plus en plus libres et personnelles. Envers le passé, nulle rupture, nulle régression.
ARTHUR RUBINSTEIN ET LE VIOLONISTE
Pawel Kochanski, futur interprète privilégié de son œuvre. L'immense influence de la musique germanique n'empêchait pas la jeune génération de rechercher une identité polonaise : la création du groupe Jeune Pologne reflète cette aspiration, dans une nation sans figure de proue depuis Chopin. La première étape créatrice de Szymanowski est aisément repérable : 1ui-mênme l'a partiellement reniée, la jugeant d'une pensée harmonique trop touffue. Ce sont la 1re Symphonie de 1906 et la 2 Sonate pour piano qui marquent cette période préparatoire. Mais la culture méditerranéenne devait apporter à Szymanowski une source d'inspiration décisive : à partir de ses voyages en Sicile et en Afrique du Nord, il lut le poète persan Hafiz - d'après lequel il fit deux cycles de mélodies , imagina son opéra Hagith et composa sa C'est au Conservatoire de Varsovie, en 1901, que Szymanowski commença d'étudier la composition. Son maître était Noskowski, ses condisciples superbe 3 Symphonie avec chœur et ténor solo, dite «Chant de la Nuit». 1924, ainsi que ses deux Concertos pour Violon, écrits à 16 ans d'inter valle (1917/1932-33). Grâce sans doute à l'amitié de Pawel Kochanski, Szymanowski a su ménager à l'instrument un rôle S'échappant des stéréotypes post- romantiques. Dans la sphère in- time qui est celle de ce disque, cette métamorphose s'opère progressivement, qui part du violon brahmsien pour privilégier finalement un mode particulier du chant, « mélodie infinie» qui ne se soucie plus des effets extérieurs. Le piano fut toute sa vie un véritable métier auquel il dut de ne pas tomber dans la misère complète (sa famille de propriétaires terriens ayant été ruinée pendant la Révolution de 1917). Le cycle Masques, écrit en 1916, et la Symphonie Concertante de 1932 représentent des sommets de virtuosité. Il exécutait ces œuvres pendant ses tour- nées internationales, avant d'accepter le poste de Directeur du Conservatoire de Varsovie en 1926 d'où il démissionna rapidement, déjà touché par la tuberculose qui l'emporta en 1937 à Lausanne.

SONATE OP. 9
Le premier mouvement, Allegro molto, oppose
classiquement deux motifs, l'un
fondé sur un accord violemment
arpégé par le violon, l'autre
chantant pianissimo. Dans le développement, Szymanowski réussit à
intriquer les deux thèmes de manière à ne jamais relâcher une tenion que l'on peut qualifier de pré-expressionniste.
Par contraste, I'Andantino tranquillo en La majeur
expose sa cantilène (on pense au 3
mouvement de la 1re Symphornie de
Brahms) interrompue par un
Scherzando soudain enclavé, avant
une ultime apothéose du chant.
Le Finale laisse des éléments de complexité s'introduire dans son
schéma formel par exemple, le
premier thème est aussitôt suivi
d'un développement mélodique,
accompagné d'un jeu contrapuntique. Le discours s'amplifie sur une série d'ostinati. Toute la sonate cherche à rejoindre une expression tourmentée; malgré une certaine surcharge de la partie pianistique, cette véhémence ne peut laisser l'auditeur indifférent.

Jean-Christophe MARTY