Les machines et la terre, théologie de l'ingénieur

La Modernité est-elle séparation de l'image du monde et de l'image de l'homme ; distinction entre Nature et Société ; dégouvernementalisation du cosmos et gouvernementalisation de l'État ; Principia naturae et Ratio Status ? Ou peut-on soutenir, au moins à travers quelques métaphores-concepts de Leibniz, que la Modernité n'est pas tant la rupture du continuum théologico-cosmologico-politique que le déplacement de ce continuum : avant c'était la hiérarchie des anges qui configurait cette continuité du cosmos à la politique ; désormais c'est l'automatisme des machines qui sert de modèle tant du cosmos que de la politique. La Modernité est moins une rupture de continuité entre Nature et Société que l'avènement d'une nouvelle métaphore pivot des relations entre l'une et l'autre. C'est peut-être pourquoi les ingénieurs apparaîtront, au tournant de 1650, les dignes successeurs du sacerdoce : comme disait le réactionnaire Oswald Spengler, "les ingénieurs sont les prêtres de la machine" qui ont "détrôné Dieu".