DAHMANE ELHARRACHI 45 TOURS ED. PATHE 297M

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Atravers ses chansons composées dans les années 50. Dahmane El ­Harachi incarnait la modernité au sens baudelairien du terme, c`est-à-dire non pas "le triomphe du nouveau, la glorification du progrès ou la suprématie des avant-gardes" mais le besoin de retrouver "la morale et l`estetique du temps." Le parcours artistique d`EI-Harachi porte la marque de son vécu et traduit toutes les déclinaisons de l`Immigritude". Observateur attentif et vigilant du milieu de ces travailleurs appelés à "construire des maisons qu`ils n`habiteront jamais" ou des autoroutes qu`ils n`emprunteront pas. Dahmane (diminutif d`Abderrahmane) a toujours évité de tomber dans le misérabilisme alors ambiant. Ce que contredisait un peu sa vie dissolue, mais il disait des choses à la fois vraies et belles car c`était un pessimiste gai.
Bâtie autour du Chaâbi, genre populaire de la Casbah d`Alger. La musique d`EI-Harachi a gardé certaines lignes mélodiques pour les notes et une nette pro pension aux proverbes et aux dictons puisés dans la tradition poétique orale quant aux mots. Le chaâbi tel qu `il a été "institué" par El-Anka regorgeait d`allégories émises en semi-dialectal et de citations pompées dans le "melhoun", celui de Dahmane use d`un parler simple de tous les jours, compréhensible par l`ensemble de la communauté maghrébine. Ce qui explique, en partie, son large succès.
Né le 7 juillet 1925 à El Biar, un quartier résidentiel d`Alger. El ­Harachi, de son vrai nom Amrani, a grandi a EI-Harrach (ex-Maison Carrée), dans la banlieue algéroise. Son père, Cheikh EI-Amrani, était le muezzin de la Grande Mosquée de la capitale algérienne et il a élevé son fils dans le respect des principes musulmans, complétés par ceux dispensés par l`école coranique et l`école primaire qu`il suivra Jusqu`à l`obtention du certificat d`études, diplôme a l`époque comme un excellent sauf-conduit pour le marché de l`emploi. Le jeune homme s`essaiera plutôt à l`exercice de métiers divers dont la cordonnerie et pendant sept ans, le boulot de receveur de tramway sur la ligne EI-Harrach-Bab et Oued. C`est au cours de cette période qu`il entame quelques prometteurs débuts musicaux, intégrant une troupe d`amateurs et donnant des concerts un peu partout en Algérie.
En 1949, il se rend en France et s`installe d`abord à Lille, puis à Marseille et enfin Paris qu`il ne quittera pratiquement plus. C`est dans les cafés, embués par les vapeurs éthyliques de la nostalgie qu`il se produit régulièrement. Dans ces endroits-tremplins, où l`on vient humer l`air du « pays », Dahmane, qui est un impressionnant instrumentiste (il était un virtuose du banjo), chante de sa voix rocailleuse, modulée par l`alcool et le tabac, les classiques du chaâbi et surprend par son interprétation hors des sentiers battus. Elégant, bonne gueule d`atmosphère et buveur, le bluesman des faubourgs séduit, bouleverse et remue les consciences. Surnommé « Aznavour » dans le milieu artistique alors qu`il est à comparer aux chantres du bleu à l`âme du delta du Mississipi. Dahmane s`imposera définitivement par ses propres compositions hantées par la silhouette d`Alger la Blanche, les visions de femmes possédant la grâce d`une perdrix et la finesse d`une colombe ou l`effroi suscité par "la plus haute de solitudes", du au déracinement.
Découvert sur le tard par la nouvelle génération. EI-Harachi a eu droit à sa première scène digne lors du Festival de la Musique maghrébine qu`il s`est tenu à la fin des années 70 à la Villette. En Algérie, terre qu`il n`a jamais cesse d`évoquer à sa façon joliment imagée, il fera deux apparitions avant de connaître une fin tragique, le 31 août 1980. dans un accident de voiture sur la corniche algéroise qu`il sublimait par-dessus tout.
De Dahmane, il nous reste un vaste répertoire, dont vous retrouverez ici quelques extraits significatifs et un documentaire réalisé par Hadi Rahim pour la télévision algérienne (intitule: "Saha Dahmane", traduction: "Merci Dahmane"), relevant toute la truculence du personnage. Récemment, Rachid Taha lui a rendu hommage en reprenant un de ses titres majeurs: "Ya Rayah" ("Candidat a l`exil. Tu auras beau voyager où tu veux un jour tu reviendras à ton point de départ.") En un chant bref comme il avait coutume de le faire. Dahmane a su résumer le cours d`une destinée. La sienne.

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