Dissolution : coup de génie ou coup de folie ?

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"J’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l’Assemblée nationale". Prenant acte du résultat historique de l'extrême droite en France, ce dimanche 9 juin, le président de la République a décidé d’activer l’article 12 de la Constitution, celui qui lui permet de mettre fin aux mandats des députés et de convoquer de nouvelles élections. Le premier tour des législatives aura lieu le 30 juin prochain et le second tour une semaine plus tard, le 7 juillet.

Un tel événement politique ne s’est produit que huit fois en plus de 100 ans, et seulement six fois sous la Ve République : Jacques Chirac en 1997, mais également François Mitterrand (1981 et 1988) et le général de Gaulle (1962 et 1968). Il survient cette fois après la secousse que représente le vote de dimanche. Jamais l'extrême droite française n'avait jusqu'ici atteint les 30 % lors d'élections européennes. Elle se rapproche des 40 % désormais, le Rassemblement national de Jordan Bardella finissant largement en tête du scrutin avec 31, 36 % des voix hier soir, selon le ministère de l'Intérieur, et la liste Reconquête ! de Marion Maréchal totalisant 5, 47 %. Au coude-à-coude il y a cinq ans avec la liste présidentielle, le RN a distancé la liste Renaissance-MoDem-Horizons portée par Valérie Hayer de 17 points, cette dernière recueillant que 14,6 % des suffrages. En outre, le RN est arrivé en tête de toutes les régions de France métropolitaine, y compris, et c’est une première, en Bretagne. "Le résultat d'un vote sanction", a affirmé Jordan Bardella quelques minutes seulement après l'annonce des résultats, estimant que les Français avaient "exprimé une volonté de changement, mais aussi un chemin pour l'avenir". "Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance", a réagi Marine Le Pen. Le parti "se battra pour avoir une majorité" et pour que son président, Jordan Bardella, "arrive à Matignon" comme Premier ministre à l’issue des législatives, a affirmé pour sa part Louis Aliot le vice-président du parti alors qu’en coulisse de discrètes tractations ont commencé. Marine Le Pen, Jordan Bardella et Marion Maréchal doivent se rencontrer ce lundi au siège du RN.

Arrivée en tête des élections européennes hier soir en France, l’extrême droite est-elle pour autant en mesure de s'installer à Matignon dès cet été ? "Rien n'est acquis, on a affaire à deux scrutins différents. Ce ne sont pas les mêmes enjeux, pas les mêmes modalités de vote", a expliqué le politologue Jean-Yves Camus. Les européennes sont un scrutin à la proportionnelle à un tour. Avec les législatives, il s’agit d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours et pour se qualifier au second tour, un candidat doit réunir au moins 12,5 % de la totalité du nombre d'électeurs inscrits. Un mode de vote qui a été longtemps défavorable au parti à la flamme, mais en 2022, avec la disparition du "front républicain", le RN a envoyé 89 députés au Palais-Bourbon, contre huit auparavant.

Qu’en sera-t-il le 30 juin et le 7 juillet ? A gauche, l’annonce inattendue de la dissolution de l’Assemblée nationale a éclipsé le score des Européennes où la tête de liste PS- Place Publique, menée par Raphaël Glucksmann a obtenu 14 % des suffrages, devant la liste LFI de Manon Aubry (10,1 %), l’écologiste Marie Toussaint (5,5 %) et le communiste, Léon Deffontaines (2,3 %). Dans son ensemble la gauche représente 32 % des suffrages exprimés. Alors depuis hier soir, de nombreuses voix se sont élevées pour appeler à un rassemblement, un "front populaire" ou le retour de la Nupes. Mais 2024 n’est pas 2022. La gauche va-t-elle parvenir à s’unir ou partira-t-elle en ordre dispersé ? Et que vont faire Les Républicains ?

Les réunions vont se succéder toute la semaine. Vendredi les préfectures devront avoir toutes les candidatures.

Nos experts :
Dominique Reynié, Directeur général - Fondapol, fondation pour l’innovation politique

Jérôme Jaffré, Politologue - Chercheur associé au CEVIPOF
Astrid de Villaines, Cheffe du service politique - "Huffington Post"
Brice Teinturier, Directeur général délégué - Institut de sondages Ipsos



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