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Le 16 juin 1944, il y a 80 ans, l'historien Marc Bloch était abattu par les Allemands, avec 29 compagnons résistants comme lui, à Saint-Didier de Formans, dans l'Ain. Il avait 57 ans. Depuis le début de l'année précédente, il avait rejoint le groupe Franc-Tireur à Lyon, au sein duquel il avait rapidement pris des responsabilités de premier plan, jusqu'à le représenter, pour la région R1, au sein des MUR (Mouvements unifiés de la résistance).
Dans ce nouvel épisode de La grande H, Julien Théry reçoit l'historien Laurent Douzou, spécialiste de la Résistance, pour revenir sur le parcours politico-intellectuel de Marc Bloch et sur son choix d'un engagement radical qui lui a finalement coûté la vie, alors qu'il aurait très bien pu garder une plus prudente position de retrait.
Marc Bloch (né en 1886) fut d'abord un très grand savant, historien du Moyen Âge, pionnier de l'histoire des mentalités et de l'histoire socio-économique, fondateur avec Lucien Febvre de la très importante revue des Annales (1929), autour de laquelle une école historiographique de premier plan se développa, en rupture avec le positivisme. Il est aussi largement connu pour un ouvrage sur le métier d'historien, "Apologie pour l'histoire", et surtout pour un livre de réflexions écrit peu après l'effondrement de l'armée française face à la Wermacht en 1940, "L'Etrange défaite", dans lequel il revient sur l'aveuglement des élites françaises face à l'Allemagne nazie et au danger fasciste dans les années 1930.
Si M. Bloch s'était gardé de tout engagement bien marqué dans la politique de son temps avant l'Occupation, souligne Laurent Douzou, il fut cependant parmi les premiers à adhérer au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes en 1934, ce qui atteste de son attention à la politique et de sa sensibilité nettement à gauche. Après son entrée dans la résistance, cependant, les nombreux textes qu'il publie dans deux périodiques de la Résistance, "Les Cahiers politiques" et "Franc-Tireur", témoignent d'une évidente radicalisation de sa pensée. Lui qui avait jusque là eu un parfait itinéraire d'excellence parmi les élites universitaires de la IIIe République s'était vu soudain privé de sa chaire en Sorbonne, avant d'être mise à la retraite, par le Statut des juifs édicté par le régime de Vichy en 1940. Le choc et l'humiliation ainsi subi par un homme profondément patriote, qui avait combattu avec zèle lors de la Première Guerre Mondiale et s'était encore engagé pour combattre dans l'armée française en 1940 malgré son âge, expliquent la radicalité de son évolution politique.
Montage Bérénice Sevestre. Assistant : Théo Nuissier.
Une émission de Julien Théry
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