William Faulkner | Lumière d'août

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Il quitta la véranda sombre, entra dans le clair de lune, la tête sanglante, l’estomac vide, brûlant, sauvage et brave sous l’effet du whisky, il s’engagea dans cette rue dont il ne devait voir le bout que 15 ans plus tard.

Il y eut des périodes où le whisky s’éteignit, fut renouvelé, s’éteignit encore, mais la rue ne finit jamais. Depuis cette nuit-là, les milliers de rues s’allongèrent, semblant n’en former qu’une, avec des coins imperceptibles, des changements de scènes, brisées de temps en temps par des trajets en voiture qu’il sollicitait, par des trajets volés en chemin de fer, sur des camions, sur des charrettes de paysans où, à 20, 25, 30 ans, il s’asseyait sur le siège, avec son visage dur et impassible, et ses vêtements de citadins (même quand ils étaient sales et usés). Et le conducteur de la charrette ne savait pas qui était ou ce qu’était le voyageur et n’osait pas le lui demander. La rue passa à travers les états d’Oklahoma et de Missouri, descendit au sud, jusqu’à Mexico, puis remonta au nord, à Chicago et à Detroit, avant de redescendre encore pour s’arrêter enfin dans l’état de Mississippi. Elle fut longue de 15 ans. Elle passa entre les façades en bois, sauvages et fausses, des villes pétrolifères. Une boue sans fond y souilla ses inévitables vêtements de serge et ses souliers clairs. Il y mangea des aliments crus dans des plats en fer-blanc. Ses repas lui coûtaient de 10 à 15 $. Il les payait avec une liasse de billets de la grosseur d’un crapaud-bœuf, tout souillés aussi par cette boue luxuriante, aussi inépuisable, semblait-il, que l’or qu’on en retirait. La rue passa entre des champs de blé jaunes qui ondulait sous les cruelles journées jaunes, journées de travail et de sommeil profond dans les tas de foin, sous la froide pâleur de la lune folle de septembre et des étoiles scintillantes. Il fut, tour à tour, ouvrier, mineur, chercheur d’or, racoleur pour maison de jeux. Il s’engagea dans l’armée, servi quatre mois, déserta et ne fut jamais repris. Et toujours, tôt ou tard, la rue finissait par traverser des villes, des quartiers identiques et presque interchangeables, aux noms oubliés, des quartiers où, sous la voûte sombre, équivoque et symbolique de minuit, il couchait avec des femmes qu’il payait quand il avait de l’argent. Et quand il n’avait pas d’argent, il n’en couchait pas moins. Il leur disait alors qu’il était noir. Ça lui réussit pendant quelque temps, quand il se trouvait dans le sud. C’était très simple, très facile. D’habitude, il ne risquait que les insultes de la femme et de la maquerelle. D’autres fois cependant, il était roué de coups par le patron, et il ne revenait à lui que plus tard, dans la rue ou en prison.

Traduction : Maurice-Edgar Coindreau

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