Les Nouveaux chemins de la connaissance
Émission diffusée sur France Culture le 08.12.2016.
Par Adèle Van Reeth.
Quelle est la différence entre la fatigue et l'épuisement ? Pourquoi être couché vaut-il mieux qu'être assis, ou même debout ? Et quel est l'épuisement qui frappe les personnages de Beckett ? Qu'est-ce qui les épuise, et eux, qu'épuisent-ils ?
Aujourd'hui nous recevons le philosophe Jean-Clet Martin qui répond à toutes ces questions, et à bien d'autres.
Le texte du jour
L’épuisé, c’est beaucoup plus que le fatigué. « Ce n’est pas de la simple fatigue, je ne suis pas simplement fatigué, malgré l’ascension. » Le fatigué ne dispose plus d’aucune possibilité (subjective) : il ne peut donc réaliser la moindre possibilité (objective). Mais celle-ci demeure, parce qu’on ne réalise jamais tout le possible, on en fait même naître à mesure qu’on en réalise. Le fatigué a seulement épuisé la réalisation, tandis que l’épuisé épuise tout le possible. Le fatigué ne peut plus réaliser, mais l’épuisé ne peut plus possibiliser. « Qu’on me demande l’impossible, je veux bien, que pourrait-on me demander d’autre ? ». Il n’y a plus de possible : un spinozisme acharné. Épuise-t-il le possible parce qu’il est lui-même épuisé, ou est-il épuisé parce qu’il a épuisé le possible ? Il s’épuise en épuisant le possible, et inversement. Il épuise ce qui ne se réalise pas dans le possible. Il en finit avec le possible, au-delà de toute fatigue, « pour finir encore ». Dieu, c’est l’originaire, ou l’ensemble de toute possibilité. Le possible ne se réalise que dans le dérivé, dans le fatigue, tandis qu’on est épuisé avant de naître, avant de se réaliser ou de réaliser quoi que ce soit (« j’ai renoncé avant de naître »).
Gilles Deleuze, L'Épuisé (Minuit, 1992)
Extraits
Cours sur Leibniz de Deleuze du 15/04/80
Lecture de Malone meurt (1951) par Jérôme Kircher
Lectures
Gilles Deleuze, L’Epuisé (Minuit, 1992)
Références musicales
John Cage, Six melodies
Karol Beffa, Feux d’artifices
Schubert, Nacht und Traume
Renée Doria, Heure exquise
Beckett, Oh les beaux jours
Intervenant :
Jean-Clet Martin : philosophe et romancier. Spécialiste de Derrida et de Deleuze, et ancien directeur de programme au Collège international de philosophie.
Bibliographie :
Jean-Clet Martin, Le siècle deleuzien, Kimé, 2016.
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